mardi 7 décembre 2010

La problématique de la corruption en RDC: Approche politologique

INTRODUCTION

Le mot corruption est aussi vieux que le monde. Socrate n’a t il pas été condamné à mort pour « impiété et corruption de la jeunesse » par le tribunal populaire d’Athènes (399 av. JC)? Certes, comme aujourd’hui, la corruption ancienne reposait sur la détention d’un pouvoir. Mais à la différence de la corruption ancienne et celle qui prévaut aujourd’hui, est une conséquence de la détention d’un pouvoir politique et administratif. La corruption d’origine politico – administrative ne s’est pas développée dans les cités – Etats en raison de l’exercice de la démocratie directe. Le pouvoir socratique était donc lié au savoir. Le pouvoir que détenait Socrate ne relevait pas de l’occupation d’une charge publique, la démocratie directe y a prévalu.

Après cette mise au point, La corruption aujourd’hui, sera entendue, au sens large, comme non seulement une pratique de détournement des richesses de la nation, mais encore comme phénomène de dépravation des mœurs, lié à la professionnalisation et à l’exercice d’un pouvoir administratif de représentation. La dépravation des mœurs politiques a une incidence sur le dysfonctionnement généralisé de la « société ». Le cas de la RDC en constitue une preuve éloquente.

Dans ce pays, la tentative de lutte contre la dépravation des mœurs politiques et le détournement des richesses de la nation remonte aux années soixante. Il s’est agi d’abord des savants comme JC Williame. (1)

Nombre de politologues, juristes et économistes congolais y sont entrés en scène, particulièrement à partir de la moitié des années soixante - dix à ce jour (2).

Il serait injuste de ne pas citer la contribution combien importante du fonctionnaire du FMI, d’origine allemande, Mr Blumental, au début des années quatre vingt. Mais jusqu’ici, la lutte contre la corruption n’a jamais été inscrite sur l’agenda politique. C’est seulement en 200l que le gouvernement va élever, indirectement cette question en politique publique, produisant un plan de lutte contre la pauvreté.

L’organisation de la conférence internationale contre la corruption par l’ OAC (Observatoire Anti - Corruption), en juillet 2002 à Kinshasa, a de façon décisive attiré l’attention des autorités sur cette question en RDC.

Elle a réveillé les pouvoirs publics qui ne cessent dès lors de multiplier les rencontres relatives à la corruption. Une commission y afférente,’ comprenant en son sein, une ancienne vice-présidente de l’OAC a été créée par décret présidentiel au mois de septembre 2002. Il faut souligner l’apport .remarquable de la principale conseillère de l’OAC: Mme Nour, Responsable de la Coopération Technique Allemande (GTZ) qui s’est engagée à lutter contre la corruption en RDC.

La relance définitive de cette lutte, en RDC, est partie du changement de stratégie et des objectifs des institutions financières de Breton Wood, particulièrement de la Banque Mondiale: l’aide à accorder aux pays qui en ont besoin doit non seulement tenir compte du respect des règles de gestion rationnelle et de l’économie du marché, mais encore de leur capacité à contribuer à la réduction de la pauvreté des populations; ce qui nécessite notamment l’organisation de la lutte contre la corruption.

Par ailleurs, la RDC étant à cheval entre le monde externe et interne, la compréhension de la corruption implique le recours à la fois à l’universalité et à la spécificité. On comprend que malgré les apparences, la corruption est à la fois encore aimée et repoussée.

Aimée, la quasi-totalité des congolais y recourent; la corruption est généralisée et banalisée: tel est un trait de spécificité. Compte tenu de cette généralisation, A. Akele la considère comme « systémique » (3). Repoussée, la corruption l’est: selon les enquêtes sociologiques, la grande majorité des congolais la considèrent comme « mauvaise »: dans une enquête entreprise par Nzey K.Z (4), 79,3% des congolais affirment que les méthodes coloniales de gestion administrative sont plus justes que celles post-coloniales : c’est un jugement qui relève selon nous, de la raison humaine, l’universalité.

L’approche utilisée dans ce numéro est politologique c’est-à-dire scientifique. Elle part de l’hypothèse de base selon laquelle ,la corruption se structure autour des relations de la détention du pouvoir détenu par le gestionnaire, dans un contexte d’institution de représentation et de professionnalisation. C’est de façon volontaire que nous privilégions le corrompu par rapport au corrupteur. Scientifiquement donc, la corruption est une pratique de fait c’est à dire qu’elle existe indépendamment et parallèlement au droit. Elle permet au gestionnaire de détourner le pouvoir, afin de réaliser des avantages de fait qui, bien que méconnus par le droit, lui assurent le profit ou la survie; la corruption est une pratique pourvoyeuse d’avantages parallèles et parfois officiels mais avec des moyens détournés. Comme il est de règle en sciences sociales, la politologie n’a de sens que dans le cadre de l’interdisciplinarité.

Il est, cependant, curieux de constater, qu’en ce qui concerne la corruption, l’approche scientifique rencontre l’approche moralisante, en matière notamment des conséquences de ce phénomène.

Nous analyserons successivement la manifestation de la corruption (I), avant de passer à sa spécificité et à ses causes en Afrique et en RDC (II), ainsi qu’à ses conséquences.


Pouvoir et gestion de la violence, Tome 1 de l'Ouvrage Science Politique d'hier, d'aujourd'hui et de demain



Le premier tome de l'Ouvrage Science Politique d'hier, d'aujourd'hui et de demain : Pouvoir et gestion de la violence, a été publié aux éditions S.S.C.E.PL.C. au courant de cette année 2010, à Kinshasa, République Démocratique du Congo. C'est un livre de 196 pages.

Dans cet ouvrage, dès le départ, nous avons posé que la science politique est une des dernières sciences sociales, dans sa forme institutionnalisée. Mais en réalité, la partie savante des études politiques est là depuis l’antiquité grecque : sa trajectoire n’a jamais été linéaire.

Bien qu’appartenant au champ des sciences sociales, elle présente ses propriétés spécifiques : elle privilégie et part toujours des phénomènes politiques, en intégrant ensuite les phénomènes sociaux non politiques. Elle emprunte ses méthodes et ses techniques aux autres sciences sociales comme ces dernières peuvent recourir à elle. Elle est aujourd’hui, en mesure de mettre sur pied ses lois nomologiques bien que falsifiables. C’est, en effet, cette falsification qui confère à son discours, le caractère scientifique. La science politique est donc dynamique tant dans la forme que dans le fond. La place qu’occupe le phénomène social appelé pouvoir, en son sein, est importante : elle permet de réunir la diversité des thèmes qui relèvent d’elle, de même que la promotion de son autonomie. Celle-ci n’a de sens que dans l’interdisciplinarité et dans le dialogue entre les sciences.

En tout état de cause, la présence d’une organisation politique appelée Etat, ne se réalise pas ou ne contribue pas à la disparition d’un autre phénomène plus global appelé pouvoir. Il y a du pouvoir dans l’Etat : il servira à ramener la paix sociale, à contraindre, à harmoniser la diversité conflictuelle des intérêts, mais il demeura formel. Le pouvoir politique étatique n’est qu’une composante du pouvoir général. Les différents pouvoirs peuvent ils évoluer, dans un territoire donné, en ignorant les tentatives toujours présentes de la violence physique légitime intégrative exercée par l’Etat ?