lundi 21 juin 2010

Utilisation politique de la fausse conscience ethnique en RDC depuis 1990 par l'élite congolaise "modernisante"

INTRODUCTION

Depuis le début de la démocratisation en 1990 en R.D.C, on assiste à la résurgence de la fausse conscience ethnique. La chasse aux Kasaïens dans la province du Katanga , les affrontements ayant opposé les ressortissants congolais aux Banyarwanda au Kivu, de même que les Lendu au Hema en Ituri dans la Province Oriental. L’apparition du mouvement « politico-religieux » appelé « Bundu dia Congo » au Bas Congo ainsi que celle du « CNPD » au Kivu sont à mettre sur le compte de la prolifération de fausses consciences ethniques.Le développement desdites consciences s’expliquerait notamment par :

1° une stratégie du régime mobutiste. Ladite stratégie a consisté à vouloir faire accréditer l’opinion que les congolais ne seraient pas prêts à adopter le multipartisme d’où la création par le pouvoir de plusieurs foyers de tension dits ethniques. On comprend pourquoi les leaders ethnicistes n’étaient ni politiquement ni judiciairement  inquiétés.

Et comme en Afrique, l’Etat a précédé la nation, contrairement aux pays européens (F. Chatelet et E. kouchner; 1980), la conscience centrifuge y est très développée;

2° L’ethnicité n’est en fait qu’un trait de compétition politique. Cela est d’autant plus plausible que nous sommes dans un système d’économie où le secteur privé est faible. Seul l’Etat, en dehors de multinationales, est le principal investisseur et employeur. Conséquence, tous les africains en général, et congolais en particulier se battent pour occuper un poste politico administratif afin d’en tirer un profit personnel (Lohata, 2002).  Personne dans ces conditions, ne veut entrer ou rester dans l’opposition même battue en bonne et due forme ; car contrôler l’Etat équivaudrait à contrôler des richesses : l’expression de politique de vendre (J.F. Bayart, 1989) est ici appropriée.

Ce qui est propre, aux Etats en cours de construction comme la R.D.C, c’est le fait que les règles de compétition politiques ne sont pas définies rationnellement, encore moins consensuellement. L’ethnicité apparente n’est qu’en réalité, un moyen stratégiquement détourné pour accéder au pouvoir. Les luttes dites ethniques sont en réalité des luttes politiques, des compétitions sociales pour accéder aux avantages socio-économiques, symboliques et aux positions dominantes.

3° L’ethnicité est une « fausse conscience », elle porte rarement sur des traits culturels au sens anthropologique. Elle est l’œuvre de la classe dominante, porteuse de la culture occidentale, que C. Coulon qualifie de l’Elite modernisante. On croit que l’on est dans les revendications ethniques, alors qu’en réalité on est ailleurs. Il s’agit d’une fausse conscience, artificiellement et stratégiquement construite.


La réinterprétation de l'Etat en RDC

L’Etat moderne qui constitue aujourd’hui, une organisation politique qui s’est imposée, partout dans le monde, conformément aux prévisions de M.Weber[1], contre celles de K.Marx est né, à en croire J.P. Ginet[2], d’abord en Europe, précisément en France, en Angleterre, en Ecosse ; avant de gagner l’Allemagne, l’Europe Centrale, l’Italie et ensuite la Scandinavie entre le 13ème et le 16ème siècles. C’est seulement à la fin du 17ème et au début du 18ème siècles qu’il se diffusera vers la Russie. L’empire Ottoman (actuelle Turquie) n’a été touché qu’au 19ème siècle[3].

Les continents américains et africains ont adopté cette forme d’organisation, par le biais de la colonisation, respectivement au 18ème et au 19ème siècle. Au-delà des ressemblances, les institutions politiques et administratives en général, et l’Etat en particulier recouvrent une autre réalité en Afrique Noire ou en RDC. Il n’est nullement question de nier leur mimétisme tant sur le droit que sur les institutions politiques européennes  notamment. Mais, il s’agit d’un mimétisme apparent ou formel

L’Etat congolais ou africain est une organisation politique << réinterprétée >> ou en cours de réinterprétation comme le dirait G.Balandier ou J.F.Bayart[4]. Non  seulement que les dirigeants du continent noir peuvent s’inspirer à la fois du registre traditionnel et colonial, mais encore sont entrain d’inventer de nouveaux systèmes politiques en général, et la nouvelle forme d’Etat en particulier, lequel ne ressemble, ni au premier ni au dernier. Cette forme d’organisation aux propriétés spécifiques non seulement ne peut pas développer le régime démocratique représentatif (corollaire de l’Etat libéral ou moderne né en Europe) ni le régime démocratique direct (en vigueur dans les cités-Etats athéniennes ou romaines) encore moins le régime démocratique ancien (présent dans certains Etats africains traditionnels à dominante orale comme le   royaume de Yatenga). L’autoritarisme et la dictature qui découlent de l’Etat réinterprété sont autant spécifiques que ce dernier.

La science politique d’hier, d’aujourd’hui et de demain : science politique comme science sociale « processus »

La Science politique est l’une des rares disciplines, dans l’histoire des sciences, dont la trajectoire n’a jamais été linéaire. Son historicité est marquée par des ruptures, des disparitions et des réapparitions. Il s’agit d’une science sociale « processus » caractérisée par les aller et venir intégrant à la fois les paradigmes contestés et enrichis, au point de donner l’impression de l’absence en son sein, d’une cohérence épistémologique. C’est une fausse impression.
L’histoire de la science politique donne raison à la thèse de K. Popper[1] que l’on a enterrée vite[2], insistant sur la falsification suscitée par des problèmes comme point de départ du point de vue scientifique.
Son caractère embryonnaire ou mieux sa naissance avant la lettre remonte de manière passagère à l’antiquité grecque, entre le VIème et le IVème siècles avant Jésus-Christ, au temps fort de la démocratie directe, pour réapparaître dans sa forme moderne (avec l’appellation actuelle), en Occident, à partir du 19ème siècle, à l’aide notamment des entreprises d’institutionnalisation multiples.
De la pluralité des sources, « Science carrefour », le décollage définitif, au moins dans sa version savante et autonome, remonte encore aux périodes entre les deux guerres, les années cinquante, soixante et soixante dix. Les paradigmes behaviouralistes, psychologistes, « ethnocentristes », positivistes et sociologistes desdites époques sont aujourd’hui contestés et enrichis.
Les aspects considérés alors comme non scientifiques (l’approche qualitative, philosophique, politique, historique relativiste, juridique et centrifuge-politique par le bas-) refont surface et prennent même la revanche sur les premiers paradigmes. Les questions qui en découlent sont nombreuses :
- S’agit-il d’un cercle vicieux ou d’un processus ?
- Sommes-nous en présence d’une ou multiples sciences politiques ?
- Peut-on aujourd’hui, clamer très fort que la science politique est autonome, interdisciplinaire ou carrefour ?
- A-t-elle, aujourd’hui, ses propres paradigmes et lois au sens nomologiques ?
- Est-elle nomologique ou idéographique ?
- Est-elle pragmatique ou explicative ?
- Est-elle enfin individualiste ou holiste ?
Nous tenterons de répondrons à ces questions sur base des hypothèses ci-dessous :
- La science politique, au moins, dans sa version savante serait une « science processus », tant au plan institutionnel qu’intellectuel. Les anciens paradigmes, demeurent ; ils seraient enrichis, corrigés et non rejetés ;
- La science politique ne serait pas une composante d’une science, encore moins de sociologie, ce serait une science sociale à part entière. L’autonomie de la science politique reposerait sur la valorisation explicative du fait politique par le politique ; l’interdépendance ou l’interdisciplinarité découlant des « aspects non politiques » d’autres sciences sociales ne créent pas l’autonomie, mais la renforcent ;
- Les exigences épistémologiques seraient relatives et jamais absolues : les enseignements découlant de la méthode de « lunetterie réflexive et relative » en constituent une éloquente illustration. C’est pourquoi, elle serait à la fois pragmatique (cfr politique publique) et explicative (ex. les méthodes à orientation sociologique), nomologique et idéographique (cfr sociologie historique de la politique), individualisante et holiste etc.
Pour essayer, d’examiner tous ces points, nous verrons successivement la science politique ancienne (I), moderne (II), d’aujourd’hui et d’hier (III).